L’intelligence artificielle est-elle une menace pour notre alimentation en électricité ?
D’ici 2030, la consommation électrique des infrastructures nécessaires à son développement sera multipliée par trois. Il s’agit des fameux datacenters ou centres de données.
Dans son rapport, le Shift Project prend d’abord l’exemple de l’Irlande. Ce pays, grâce à une politique fiscale particulièrement attractive, a vu affluer de nombreux data centers. Résultat : la consommation électrique de ces centres de données est passée de 5 % de l’électricité nationale en 2015 à plus de 20 % aujourd’hui.
Face à cette hausse fulgurante, les autorités irlandaises ont dû faire des choix difficiles, notamment dans la région de Dublin, où certains projets immobiliers ont été suspendus faute de capacité électrique suffisante.
L’opérateur national EirGrid a même pris la décision de refuser temporairement le raccordement de nouveaux data centers, le temps de pouvoir garantir une production d’électricité à la hauteur des besoins.
La France se montre, elle aussi, très favorable à l’implantation de centres de données, avec le chef de l’État en tête de ce mouvement. En février dernier, lors du sommet de l’intelligence artificielle à Paris, Emmanuel Macron — non sans une touche d’humour en référence à Donald Trump — a lancé le mot d’ordre : « Plug, baby, plug » (« raccorde, baby, raccorde »).
Pour soutenir cette dynamique, l’État met à disposition 35 sites “clé en main”, tandis que 109 milliards d’euros d’investissements privés sont déjà prévus dans le secteur.
Aujourd’hui, les data centers représentent environ 2 % de la consommation électrique française. Mais selon les projections du Shift Project, si la tendance actuelle se poursuit jusqu’en 2035, cette part pourrait atteindre 7 %.
Or, la production électrique nationale ne progressera pas au même rythme, ce qui accentuerait le poids énergétique de ces infrastructures.
De plus, la concentration géographique de ces centres — principalement autour de Paris et de Marseille — fait peser un risque supplémentaire sur l’approvisionnement électrique de ces deux régions déjà fortement sollicitées.
Des centrales à gaz construites pour l’IA ?
Les risques liés à la croissance des data centers sont multiples.
Tout d’abord, sur le plan de la consommation énergétique, la France pourrait être confrontée à des choix difficiles : privilégier l’alimentation des centres de données au détriment d’autres usages essentiels comme les transports électriques ou le chauffage, ou bien adopter une politique de moratoire, à l’image de celle mise en place en Irlande.
En outre, pour pallier les limites de leur réseau électrique, certaines entreprises irlandaises exploitant des data centers se tournent désormais vers une alimentation au gaz, entraînant une hausse du recours aux énergies fossiles. Une telle évolution met en péril la trajectoire “zéro émission nette” et contribue au dérèglement climatique.
Un autre risque concerne la dépendance accrue vis-à-vis des États-Unis, puisque la majorité des acteurs dominants du secteur sont des entreprises américaines. Face à ces enjeux, le Shift Project appelle à la mise en place d’une stratégie raisonnée d’implantation des data centers, une démarche encore absente à ce jour.
Enfin, chacun peut également agir à son échelle. Réduire le nombre de requêtes inutiles sur les outils d’intelligence artificielle, comme la génération de vidéos ou d’images futiles, constitue déjà un geste utile.
D’après une étude, la création d’une seule image de haute qualité par une IA consomme autant d’électricité que la recharge complète d’un smartphone — un rappel concret de l’impact énergétique du numérique au quotidien.